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Espace Ecriture
10 décembre 2018

GRAF VON FABER CASTELL Une autre histoire

Untitled

Johann Faber (1819-1901), le plus jeune frère de Lothar von Faber, se révéla lui aussi un entrepreneur talentueux. Il fonda une manufacture de crayons à papier à Nuremberg, sous son propre nom, où la production fut lancée en 1879. Son usine était équipée des installations les plus modernes et très rapidement se développa un réseau international de filiales et de points de distribution qui permirent une exportation dans le monde entier. Johann Faber intégra ses deux fils Cari et Ernst dans l’entreprise en tant qu’associés et leur céda l’ensemble de la société en 1884.

La société, devenue société anonyme en 1895, connut un développement très positif. L’entreprise multiplia les opérations de promotion, particulièrement pour la série Apollo de crayons laqués en jaune et le taille-crayon ACME. Vers 1900, l’entreprise produisait chaque semaine plus de 10 000 crayons à papier bruts et crayons de couleur en gros dont la production ne nécessitait pas moins de 2 000 tonnes de cèdre d’Amérique. En 1912, avec une production hebdomadaire de 18 000 crayons en gros, Johann Faber laissa la concurrence sur place. ais au lendemain de la Première Guerre mondiale, les fabricants européens de crayons à papier réinvestirent le marché international. En 1932, les sociétés Johann Faber et A. W. Faber- Castell fusionnèrent en une communauté d’entreprises en vue dénationaliser la production et la distribution. Enfin, en 1942 s'effectua la reprise intégrale de la société Johann Faber par A. W. Faber-Castell. Cette association se révéla des plus fructueuses, d’autant que Johann Faber était très fortement représenté avec le Goldfaber à l’exportation. Notamment le marché brésilien était alimenté via la Lapis Johann Faber Limitada à São Carlos, société dans laquelle Roland von Faber-Castell prit une participation en 1937, avant d’en obtenir la majorité des parts en 1967. Aujourd'hui, les sites de production brésiliens sont les plus performants en matière de fabrication de crayons de couleur. Le Goldfaber figure toujours au catalogue.

La success story d’un des plus anciens et aujourd’hui des plus importants fabricants de crayons à papier et de couleur en bois débuta dans un petit atelier de menuiserie. A partir de 1761, Caspar Faber (1730-1784), menuisier à Stein, petite ville de Franconie centrale, fabriqua des crayons à papier et les vendit sur le marché de Nuremberg. Ainsi, il posa la première pierre de ce qui devait devenant au niveau international, dirigée depuis 1978, en huitième génération, par Anton Wolfgang comte de Faber-Castell (1941). Outre la production actuelle de quelque deux milliards de crayons par an, la gamme comprend des articles de luxe tels que le crayon Excellenceavec capuchon en argent 925 Sterling de la Collection Graf von Faber-Castell, ainsi que les éditions limitées de stylos plume commercialisées depuis 2003 en matériaux d’exception tels qu’amourette, ambre jaune,
galuchat et ivoire de mammouth - réussissant ainsi son entrée dans le monde de l’exclusif et de l'exception.

La dénomination originelle de l’entreprise « A. W. Faber » revient au fils de Caspar, Anton Wilhelm (1758-1819), sous la houlette duquel la petite entreprise artisanale s’épanouit.
En troisième génération, son fils Georg Leonhard (1788-1839) assura la pérennité de l’entreprise de crayons dans une période politiquement et économiquement difficile.

Le fils de ce dernier, Lothar (1817—1896), qui reprit la fabrique de Stein à l’âge de 22 ans, à la mort de son père en 1839, appliqua à la société paternelle ses connaissances en matièrede gestion moderne d’entreprise, acquises à Paris et Londres, en faisant preuve de prospective et d’une volonté de fer. Cet homme d’affaires compétent modernisa des méthodes de production dépassées au sein de l’entreprise nationale, remplaça des machines et développa la société. Il développa et définit le crayon à papier moderne de qualité, en instaurant des catégories toujours en vigueur aujourd'hui, en matière de longueur, de dia-mètre et de dureté de mine, lesquelles furent rapidement adoptées pour référence par les autres fabricants. Il fabriqua pour la première fois des crayons hexagonaux et les frappa du sceau « A. W. Faber ». Il créa ainsi l’un des premiers articles de marque en Europe et le premier instrument d’écriture de marque au monde.

Lothar von Faber fit montre d’une grande activité également sur le plan international. En tant que premier fabricant de crayons à papier, il parcourut l’Europe et le monde entier.

En 1849, il fonda sa première société de distribution à New York et au regard de l’importance des taxes d’importation, implanta un s:te de production propre sur le sol américain, dont la direction sera reprise ultérieurement par son frère Eberhard, En 1851 suivirent une implantation à Londres, puis une à Paris en 1855. Il ouvrit simultanément des agences à Vienne et à Saint-Pétersbourg.

En 1856, Lothar von Faber fit l’acquisition d’une mine de graphite unique de par la qualité du matériau quelle renferme, située en Sibérie et découverte par le géologue Johann Peter Alibert alors à la recherche d’or dans les montagnes du Batougol, à l’ouest d’Irkoutsk, Outre l’amélioration de la qualité des crayons à papier, cette acquisition lui offrit l’indépendance vis-à-vis du monopole de l’Angleterre en matière de graphite. À l’occasion du premier centenaire de la société fut fondée en 1861 la filiale de Geroldsgrün en Haute-Franconie, une fabrique d’ardoises quI devint une usine de règles à calcul, intervenant au niveau international. Toutefois, la tentative visant à se dégager de l’emprise des fournisseurs de bois en important des graines de cèdre américaines et en les plantant à Nuremberg se solda par un échec. En effet, le bois produit en Europe se révéla trop dur. Grâce à son réseau de distribution mondial, développé avec succès par Lothar von Faber en quelques décennies, la marque « A. W. Faber » acquit une renommée internationale mais fut également grandement imitée. La pétition rédigée en 1874 par Lothar von Faber1874 « Pour la création d’une loi sur la protection des marques » entra un an plus tard en vigueur sous la forme d’une loi et fit de lui l’initiateur de la protection des marques en Allemagne. Ses mérites économiques et son engagement social (il fonda l’une des premières caisses maladie d’entreprise et l’un des premiers jardins d’enfants en Allemagne) valurent à Lothar nombre d’honneurs : en 1862, il obtint un titre de noblesse, en 1881 le titre de baron lui fut conféré et en 1891, il devint « Conseiller de la Couronne de Bavière ».

Dans les années 1870, le catalogue de la maison comptait déjà plus d’une centaine de pages proposant instruments d’écriture et fournitures de bureau. La plupart des produits étaient issus de la production de la maison: instruments d’écriture en provenance de Stein, près de Nuremberg, ardoises, règles en bois et bouliers de Geroldsgrün, gommes à effacer de Newark, aux Etats-Unis, encres et plumes de Noisy-le-Sec, aux portes de Paris. Au tournant du siècle, plus de mille ouvriers et « fonctionnaires d’usine» travaillaient pour A. W. Faber.

Wilhelm (1851—1893), unique enfant de Lothar et intégré dans l’entreprise en 1873, de Cependant, le père de trois filles et de deux fils disparus très jeunes, décéda prématurément à l’âge de 42 ans. Aussi Lothar von Faber continua d’assurer la direction de l’entreprise jusqu’à sa propre mort en 1896. Sa veuve, Bertha Freifrau von Faber, reprit seule la gestion de la société, jusqu'au tournant du siècle.

En 1898, sa petite fille Ottilie von Faber (1877-1944), et par la suite son héritière, épousa le comte Alexander zu Castell-Rüdenhausen (1866-1928), issu d'une des plus anciennes familles de la haute aristocratie allemande. Lothar von Faber, qui fondait de grands espoirs sur sa petite-fille, avait stipulé dans son testament que « Faber » devrait être Intégré au nom dans le cas d’une nouvelle dénomination du nom de famille, de sorte que naquit l’appellation « Faber-Castell » qui aujourd'hui encore est la dénomination officielle de la société. En 1900, le comte Alexander von Faber-Castell intégra la direction de l’entreprise et lança en 1905 la ligne verte de crayons à papier « Castell » avec la marque « A. W. Faber-Castell 9000 ». La « joute des deux chevaliers » fut introduite comme mo-tif de l’emballage. Sous une forme stylisée, ces deux chevaliers font à nouveau partie intégrante du logo de l'entreprise depuis les années 1990.

Au lendemain de la Première Guerre mondiale, l’entreprise implantée aux Etats-Unis fut confisquée et vendue aux enchères. Les sociétés de distribution de Londres, Paris et Saint-Pétersbourg furent également perdues. Dans les années 1920, le comte Alexander étendit l’usine de Stein en construisant de nouvelles unités de production.

En 1928, à la mort du comte Alexander, Roland (1905-1978) marcha dans les traces de son père à la tête de l’entreprise alors qu’il n’était âgé que de 23 ans. En 1942, la société racheta celle de Johann Faber, la fabrique de crayons à papier Johann Faber fondée par le frère de Lothar von Faber (série Goldfaber), ainsi que la filiale Lapis Johann Faber à Sâo Carlos (Brésil), confisquée pendant la Seconde Guerre mondiale. En 1967, le comte Roland parvint à racheter la majorité des parts de la Lapis Johann Faber S. A. à Sâo Carlos, aujourd’hui la plus grande fabrique au monde de crayons de couleur. Le cap de la période d’après-guerre fut difficile à passer. De nombreux sites à l’étranger durent être rachetés. De façon temporaire, la production des crayons à papier s’appuya sur du bois de pin local. Avec la fabrication d’instruments médicaux (« Castalia »), la société parvint à garder la tête hors de l’eau et gagna en expérience en matière de travail du métal. Cette aventure permit au sortir de la guerre de développer des portemines en métal brevetés ainsi que le très plébiscité TK (Techniker-Druckstift, stylo mécanique destiné au dessin industriel), accédant à la renommée mondiale après 1948. En 1949, Faber-Castell était le pionnier allemand en matière de stylos à bille. Au début des années 1960 fut lancée la production des produits concurrents du crayon de couleur, venu du Japon : le feutre et le marqueur. Avec l’acquisition de la société Osmia à Dossenheim près de Heidelberg, une ancienne société en participation de Parker, la pro duction de stylos plume sous la marque Faber-Castell débuta en 1935. Osmia s'était déjà acquis une solide réputation avec des produits de qualité tels que le stylo à plume à piston Osmia Supra, mais également avec les systèmes de remplissage à pression et par aspiration comme le Progress. Faber-Castell conserva le nom de la marque et élargit la gamme de produits avec de « véritables » stylos à plume Castell. Dans les années 1960, l'éventail fut modernisé et de la marque Osmia ne resta au catalogue que l’appellation Progress. La très forte augmentation de la demande en matière de stylos plume pour écoliers amena la création du stylo plume Castello avec système à cartouche. En 1975, la production de stylos à plume fut toutefois à nouveau interrompue, l’usine de crayons à papier brevetés de Constance et la fabrique de stylos plume de Dossenheim fermées.

Anton Wolfgang comte de Faber-Castell s’aventura sur un nouveau terrain en1978 avec la production de crayons cosmétiques en bois haut de gamme (Private Label) pour des ociétés cosmétiques internationales. Le changement de direction s’accompagna d’une épuration générale de la gamme. Depuis, l’entreprise se concentre sur la fabrication d’articles modernes destinés à répondre aux besoins des secteurs du dessin industriel, de l’art et des fournitures de bureau. Aujourd’hui, la gamme s'enorgueillit de nouveaux produits exclusifs tels que pointes fines en polymère, le premier crayon à pointe fine entièrement automatique au monde (le TK-matic), rollers à encre modernes, stylos à pointe fine, associés à un éventail d’articles d’art haut de gamme et des instruments d’écriture de prestige arborant le design Porsche, réalisés à la main, en argent et titane.

A l’orée du nouveau millénaire fut fondée toute une série de nouvelles implantations et usines à l’étranger. En 2001, le centre de production et de conditionnement de Canton (Chine) fut le 15e site de fabrication. En outre, la philosophie de l’entreprise intègre de plus en plus des aspects liés à l’écologie : au début des années 1980 fut développé dans le Sud-Est du Brésil un projet de sylviculture pour produire des petites planches de bâtons de bois et en 1992, Faber-Castell développa la technologie du vernis à l’eau. Six années plus tard, la société construisit un site de production pour planchettes et crayons issus de ressources de bois avec label écologique au Costa Rica.

En 1993, Faber-Castell procéda à une réorientation stratégique de l'image de la marque et de sa représentation et restructura la gamme en cinq champs de compétence. Dans ce remaniement, le secteur «Jeu et apprentissage » acquit une importance à l’échelle mondiale et en 1999 Faber-Castell acheta l’entreprise américaine Creativity for Kids, le leader local du marché des ensembles de création, de façon à s’engager sur de nouvelles voies de distribution et pour compléter la gamme. En 2000, Faber-Castell signa avec IG-Metall une vaste « charte sociale», applicable à l’échelle mondiale, conforme aux directives de l’Organisation internationale du travail (OIT). En juillet 2003, Faber-Castell intégra le «Global Compact» des Nations Unies, lequel s’engage à l’échelle mondiale faire respecter les valeurs internationales des entreprises, notamment en matière de droits de l’homme, des normes du travail et de laprotection de l’environnement.

Lorsque Faber-Castell fêtera son 250e anniversaire en 2011, elle comptera vraisemblablement parmi les plus anciennes entreprises mondiales, restées dans le giron familial au fil des générations. Toujours orientée sur l’esprit du temps, la société a su se gagner nombre d’adeptes et de clients, pour lesquels un instrument d’écriture élégant fait partie intégrante de leur art de vivre.

Extrait de « La Culture de l’écrit »

BARBRO GARENFELD et DIETMAR GEYER

Aux Editions H.F. ULLMANN

 

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