Parker : « Le Snake »

LE MYTHE

Au début du siècle, l’ébonite propose un choix limité de teintes et la couleur dominante, uniforme et sévère, appelle un ornement. Entre les mains des joailliers et des orfèvres, le stylo s'enrichit alors et se pare d’atouts ; leur créativité va revêtir d'or ou d'argent les corps noirs. Ce type d'habillage est très en vogue de 1900 jusqu'à 1925. Il a pour nom filigree et consiste à découper le métal, à le graver et à le ciseler avant de le plaquer. Dans l'histoire des premiers stylos, ces modèles revêtus de métal précieux ajouré sont les symboles d'un certain prestige social et culturel, et font figure de stars. Parker est l'un des premiers fabricants à faire appel aux talents des orfèvres installés à New York ou Boston pour décorer le haut de gamme de sa production. Le plus célèbre d'entre eux est George W. Heath. C'est entre ses doigts que va naître le « Snake ». On reconnaît les créations de Heath à la finesse et la rondeur des volutes de ses gravures, ainsi qu'à ses thèmes d'inspiration naturaliste et Art nouveau. De 1900 à 1915, la plupart des habillages de Parker sont marqués de la lettre «H», gravée dans un carré. C'est le seul indice qui nous soit parvenu. En effet, ici l'art de l'orfèvre est un mélange de travail manuel et d'usinage. Même si les motifs que décrivent les catalogues des grandes marques sont identiques, leur disposition dépend souvent de l'inspiration de l'ouvrier qui exécute l'ouvrage. Certains spécimens de «Snake» existent, entre 1905 et 1918, dans de si nombreuses variantes qu'il n'est pas certain qu'ils aient été réalisés par la même main, dans le même atelier.

En 1997, Parker fait revivre le stylo mystérieux, rééditant le « Snake » pour achever le siècle qui l'a vu naître. Seuls ses yeux d'émeraude resteront inchangés. Ce serpent tentateur aux écailles d'argent, enroulé voluptueusement autour d'un corps inerte et sombre, n'a pas fini de nous envoûter.

Extrait de 100 Stylos de Légende de Nathalie Valax, Isabelle Chabeur et Bruno Lussato édité en Septembre 2001 chez les Editions SOLAR Paris