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Espace Ecriture
13 décembre 2018

MONTBLANC Histoire

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Portée par sa passion pour le stylo, l’entreprise Montblanc est un symbole de qualité incomparable, d’artisanat traditionnel et d’une esthétique toute tournée vers le contemporain ; de nos jours, la marque doit sa notoriété et son excellence à la force persuasive de campagnes publicitaires portant au zénith, l’étoile caractérisant le logo En 1906, l'ingénieur August Eberstein et le commercial Alfred Nehemias produisaient leurs premiers stylos à plume à Berlin; pourtant, les revendeurs d'articles de bureau, qui avaient d’abord fait des promesses d’achat, se rétractèrent au dernier moment, plongeant ainsi les concepteurs dans des difficultés financières qui incitèrent presque Eberstein à tout arrêter. Or Nehemias trouva des bailleurs de fonds qui, en 1908, se regroupèrent pour créer, à Hambourg, la Simplo Filler Pen Co., une société qui allait se charger de la production et de la diffusion des stylos plume ; l’initiative était partie d'un homme d’affaires de cette ville, Claus J. Voss, qui s’en était enthousiasmé.

Très rapidement, les deux pionniers du stylo plume durent se rendre à l’évidence : pour garantir un succès à long terme, il importait de passer par un produit dont l’aspect se démarquerait de ses concurrents, et c’est ainsi qu’en 1908, ils dotèrent leur modèle haut-de-gamme Rouge et Noir d’un capuchon à tête rouge reconnaissable entre tous. En outre, le nom était censé s'adresser à une clientèle cultivée et imprégnée de culture européenne, Le fait est que Simplo, qui voulait, à l’époque déjà, se démarquer de la production de masse, s’était spécialisé dans le haut-de-gamme ; comme la marque se voulait fortement orientée à l’export, l’appellation de Rouge et Noir avait été retenue pour être comprise partout sur le vieux continent, Cependant, avec la montée du pangermanisme et l’aversion croissante à l’égard du voisin français, il devint vite clair qu’on ne pourrait, sur le marché allemand , conserver sans difficulté l’appellation de Rouge et Noir, et on opta du jour au lendemain pour « Le Petit Chaperon rouge », en allemand Rotkâppchen ; or ce fut un échec.

A l’étranger, en Italie notamment, les produits Rouge et Noir se vendirent jusqu’à la fin des années 1920. Curieusement, fin 1910, la seconde marque de Simplo avait déjà fait son apparition, le Montblanc dont le capuchon était à tête blanche.

Le nom en avait été imaginé par le beau-frère du fondateur Voss, qui lui avait suggéré l’idée suivante : « Puisque votre stylo est noir en bas et blanc en haut, pourquoi ne pas l'appeler ‘Montblanc’, tout simplement ? Ce massif est quand même le plus élevé de tous, non ? » Comme le stylo Montblanc fut rapidement victime de contrefaçons, dès 1913, la maison fit déposer le logo à l’étoile blanche ; mais ce n’est qu’un an plus tard qu’on fut techniquement en mesure d’intégrer le motif sur la tête du capuchon, ce sur une idée du fondé de pouvoir William Dziambor, qui allait d’ailleurs devenir Co gestionnaire par la suite. Cette création haut-de-gamme marquait la naissance d’undes symboles les plus frappants de l’ère moderne ; depuis, tous les stylos de la marque Montblanc présentent l’étoile blanche caractéristique sur leur tête de capuchon. Après la Première Guerre mondiale, il fut, un temps, difficile de trouver les matériaux à la fabrication, ce d’autant plus que les puissances victorieuses imposaient à l’Allemagne de fortes taxes à l’importation, d’une part, et de l’autre, quelles se livraient à un protectionnisme acharné. Si la maison Montblanc fut mise à dure épreuve pour s’affranchir des producteurs anglais de plumes, elle monta ses propres chaînes de production de plumes en or. Ne disposant que de restes de caoutchouc durci, au lieu des stylos noirs, on en fabriqua alors qui présentaient des marbrures rouges ou encore dans des teintes noiret rouge. En 1919, le premier magasin spécialisé Montblanc fut ouvert à Hambourg. Même si, entre-temps, Montblanc était considéré comme l’un des producteurs de stylos dominants sur le marché international, l’époque traversait une crise : l’inflation de 1923 plaça la maison devant de nouveaux défis. Ses dirigeants firent directement venir de Berlin les fonds destinés à la paye des employés, afin qu’ils aient tout juste le temps de faire leurs achats, étant donné qu’en fin de journée, prétendre acheter quoique ce soit était devenu illusoire. Quant aux bénéfices, ils étaient directement et intégralement réinsufflés dans la publicité pour que la trésorerie n’ait pas à subir le même sort...En 1924, Montblanc mit pour la première fois sur le marché son Meisterstück, un stylo dont la garantie n’était pas limitée dans le temps. Quelqu’un eut l’idée remarquable de faire

graver 4810 sur sa plume, nombre correspondant à la hauteur en mètres du sommet éponyme ; même si le succès du Meisterstück fut foudroyant, il fallut attendre la fin de la crise mondiale, en 1930, pour voir l’économie allemande se refaire une santé et, du coup, les affaires repartir à la hausse. Les revendeurs spécialisés de la marque contribuèrent largement à booster un chiffre d’affaires déjà en augmentation, tant en Allemagne même qu’à l’étranger. Le conseil d’administration de l'entreprise Montblanc disait de son usine quelle était redevenue la « fabrique spécialisée dans le stylo la plus grande d’Europe », avec plus de 800 employés à Hambourg auxquels s’ajoutaient plus de 200 dans les succursales des autres pays, à savoir le Danemark, la France, l’Espagne et la Suisse.

En 1934, Montblanc lançait avec succès un genre inédit de stylo, le Pix, le premier portemine vraiment pratique. En effet, il suffisait d’actionner le bouton-pression à l’extrémité de la hampe pour que retentisse un clic sonore et que la mine du crayon sorte automatiquement d'un millimètre ou deux ; des générations de clients ont encore ce bruit caractéristique dans l’oreille.

Les responsables Montblanc n’ont pas toujours eu la prescience de potentielles réussites ; lorsque, vers le milieu des années 1930 un certain Laszlo Biro vint leur proposer de lui racheter son brevet de « stylo à bille », ils lui opposèrent une fin de non-recevoir. En 1936, lorsque l’entreprise restructura toute sa gamme de produits, remodelant complètement les différents designs proposés, le succès, sur le marché du stylo, arriva comme une lame de fond ; les économies de l’Allemagne et du reste de l'Europe étant en plein essor, Montblanc vécut jusqu’à la déclaration de

guerre, en 1939, des années de grande prospérité. Pendant la Seconde Guerre mondiale, comme l’industrie de l’armement exigeait la fabrication de toutes sortes de pièces, la production de stylos ne cessa de décroître ; ainsi, à partir de 1941, fut-il interdit, et d'ailleurs impossible, de continuer à produire des plumes en or. On rétribuait fréquemment les employés avec des stylos, faute de pouvoir les payer, sachant que, sur le marché noir, ils rapporteraient plus que ne l’aurait fait le mark du Reich ; le fait est qu'un stylo pouvait, selon catégorie, équivaloir à 1 voire à 2 kg de beurre. Lors de l'un des bombardements dévastateurs anglais sur Hambourg, en 1944, le bâtiment de la fabrique fut presque entièrement détruit, ce qui eut pour effet de paralyser la production de stylos jusqu'à la fin des hostilités. L’occupant anglais ayant accordé son autorisation, Montblanc put, dès 1946, reprendre ses activités dans des locaux loués à cet effet, le temps que la fabrique soit reconstruite.

En 1947, la production reprit, d’abord modestement, axant son programme sur les modèles d’avant-guerre, et ce n’est qu’en 1949 que le design relooké du Meisterstück devait enfin permettre à Montblanc de revenir sur le devant de la scène du haut de gamme ; rapidement, on aligna l’éventail complet de styles sur les formes« dans le vent ». Toutes sortes de variantes de couleurs, de modèles en or ou en argent et, bien évidemment les portemines Pix, rendirent la gamme plus attrayante encore. La firme renoua des contacts qui, naguère, avaient été rentables avec d’autres pays, et l’export se retrouva très rapidement au niveau de ce

qu’il était avant la guerre. Vers le milieu des années 1950, le nombre des employés atteignait déjà les 600, et le chiffre d’affaires de la maison Montblanc avait recouvré sa santé desannées 1930.

Petit à petit, on abandonna les procédés fastidieux qu’étaient le tournage et le fraisage des différentes parties du stylo, pour s’orienter vers ce qui se pratiquait déjà couramment alors : les techniques de fonderie. En outre, le celluloïd fut remplacé par de la résine, un matériau plus moderne et de bienmeilleure qualité.

Au début des années i960, et bien qu’entretemps l’éventail de produits se fût fortement diversifié, puisqu’il comptait plus de100 sortes de stylos, il fut revu et corrigé de fond en comble par des techniciens et des designers, mais également simplifié. Comme la ligne aérodynamique avait fait son temps et que les consommateurs aspiraient à des formes plus anguleuses, une partie de la collection Meisterstück fut adaptée à l’air du temps et si bien adaptée, que la maquette fit son entrée au Muséum of Modem Art de New York ; seuls les Meisterstück dans les tailles 146 et 149 demeurèrent inchangés. Le fait d’avoir réduit la gamme permit d’utiliser les mêmes types de fabrication pour différents stylos. Au début des années 1970, Montblanc changea son fusil d’épaule en matière d’affinage de métaux, en construisant l’usine la plus moderne d’Europe ; cela permit soudain d’obtenir du chrome dur, des surfaces originales en métaux précieux ou traitées au rhodium. Grâce à cette technologie, de nouvelles lignes de production connut un succès éclatant, comme la série Noblesse. aux formes élancées, ou encore l’assortiment de stylos-plume Carrera et Caressa pour enfants en âge scolaire. En 1973, le lancement du Carrera, le stylo noir et jaune pour enfants d'âge scolaire, permit enfin à Montblanc d'entrer dans la courdes grands en matière de matériel scolaire, un

créneau fort prisé et du reste exclusivement occupé jusqu’alors en Allemagne par PELIKAN et Geha. La firme se fendit alors, pour la première fois, d’une publicité télévisée. Le Carrera, dont le look de voiture de sport reprenait les couleurs de Porsche, à savoir le jaune pour la hampe et le noir pour le capuchon en chrome dur évoquant le modèle de la célèbre marque éponyme, visait principalement un public jeune. Le succès des séries Carrera et Noblesse permit à Montblanc de surmonter le cap critique des années 1970, une crise qui touchait l'industrie du stylo dans le monde entier ; il s'ajoutait à cela de fort bons chiffres pour l’export, surtout au Japon, où la marque Montblanc était à ce point en vogue, que certains clients, négligeant le stylo, se contentaient d'acheter le capuchon à l’étoile, rien que pouvoir l’arborer fièrement sur le plastron de leur chemise.

Entre-temps, le cercle des sociétaires ayant pris de l’ampleur, on avait régulièrement des difficultés à accorder les violons, d’autant plus que le capital manquait. Comme l'urgence exigeait une croissance rapide, le staff chercha un nouvel associé capable non seulement d’insuffler des fonds mais aussi de dégraisser l’usine à gaz.

Vers le milieu des années 1970, Montblanc engagea des pourparlers avec la compagnie Dunhill, de Londres, et, en 1977, on convint d’un arrangement avec les sociétaires de Montblanc : tous les sociétaires ne travaillant pas dans l’entreprise furent immédiatement débauchés, ce qui eut pour effet de rendre Dunhill majoritaire chez Montblanc. Le mouvement s’accentua jusqu’à leur disparition, les uns après les autres et, en 1985, Dunhill racheta les parts restantes.

Une fois ce groupe maître du jeu, l’entreprise disposait du capital nécessaire pour refondre sa stratégie de marketing ; sa première mesure fut d'organiser un sondage d’opinion, ce qui lui coûta la somme alors astronomique d’un million de marks, et le résultat en fut saisissant, puisqu’il en ressortit que « Montblanc est synonyme de Meisterstück et Meisterstück est synonyme de Montblanc ». Cette sorte d’adage ne laissant aucun doute sur la perception des consommateurs, les dirigeants de la firme prirent des mesures radicales, bien que risquées, ce en dépit de l’avis frileux des revendeurs et de la grande distribution en général : la palette de produits qui, avec le temps, avait pris des proportions faramineuses, fut considérablement réduite, elle qui allait du stylo pour enfants en âge scolaire à la série des Meisterstück en or 18 carats. Cette dernière, négligée pendant des années, alors qu’elle se situait dans le haut-de gamme, fit soudain l’objet d’une attention particulière, puisque la direction décida d’en renforcer la production, une mesure de grande ampleur qui s’avéra bénéfique. En effet, le début des années 1980 se caractérisant par un goût croissant du luxe et de l’art de vivre dans lemonde entier, et les concurrents comme Parker, Waterman ou encore PELIKAN n’ayant rien à proposer d’équivalent, le chiffre d’affaires de

Montblanc explosa littéralement ; Montblanc avait misé juste et, plus qu’une marque de stylos, il était devenu une enseigne pour produits de luxe.

Outre le chef-d’œuvre proprement dit, depuis 1992, Montblanc sort tous les ans deux éditions limitées : un hommage à de grands mécènes (Montblanc Limited Edition Patron of Art) et un autre à de grands écrivains de la littérature mondiale (Montblanc Limited Withers Edition) ; au nombre des mécènes, on peut citer Lorenzo de Medici (1992), Alexander. Gr. (1998), Friedrich IL (1999), Karl d. Gr.(2000), Sir Henry Tate (2006) et Alexander von Humboldt (2007), et au nombre des écrivains, Hemingway (1992), Agatha Christie (1993), Os-car Wilde (1994), Voltaire (1995), Friedrich Schiller (2000), Charles Dickens (2001), Virginia

Woolf (2006) et William Faulkner (2007). La marque Montblanc était capable de performances encore plus étonnantes : elle mit ainsi au point une stratégie lui permettant de mettre un peu en veilleuse sa vocation de fabricant de stylos pour se transformer en une enseigne de luxe à renommée internationale comparable à celle de Cartier ou de Rolex. On se mit à débattre en haut lieu de sujets jugés fondamentaux, comme des éléments d’un assortiment, des moyens de séduire la clientèle, de la stratégie de vente et des campagnes publicitaires. C’est ainsi qu’une ébauche de philosophie se fit jour, qui finit par rendre une fois pour toutes la marque séduisante. Montblanc, avec plus de 2400 employés dans le monde, 28 filiales réparties sur 70 pays, plus de 360 boutiques propres, et quelque 7000 points de vente, compte aujourd’hui parmi les premières enseignes de luxe internationales. Voilà plus d’un siècle que C. J, Voss présentait un stylo à plume à ses proches en disant «Tiens, tiens , je crois bien que ce machin a de l’avenir... » et que, dans la foulée, il décidait de réaliser un tel stylo avec ses associés. Depuis, des milliers d’employés de chez Montblanc ont mis leur huile de coude au service de la fameuse« étoile blanche » de Hambourg, permettant à leur entreprise d’occuper la place qu’on lui connaît actuellement ; elle appartient à présent au groupe Richemont.

Extrait de « La Culture de l’écrit »

BARBRO GARENFELD et DIETMAR GEYER

Aux Editions H.F. ULLMANN

 

 

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