MONTBLANC : Le 149, un Chef d'Œuvre ?

Comment tester une légende ?

 Parce que le luxe n'est pas forcément ostentatoire le « 149 » est un instrument d'écriture aussi élégant que sobre. Noir, aux attributs plaqués or jaune. Tous ceux qui ont voulu d'un 149 dans une autre teinte, ou aux accents palladium, sont restés sur leur faim : on ne change pas une icône ! Seule exception à la règle, le 149 « 75 ans du Meisterstuck », dont les attributs étaient plaqués or jaune ou rouge (la plume étant alors du même métal) et dont la bague de l'agrafe était légèrement différente et sertie d'un brillant

Lorsque Montblanc lance le 149, en 1952, il vient couronner la gamme Meisterstuck (chef d'œuvre, en Allemand) née en 1924, en succédant au célèbre - et aujourd'hui très recherché - Montblanc 139. Le 139 est un stylo imposant aux extrémités plates, à Lpiston et doté d'une plume bicolore gigantesque. Le 149 en est une évolution aux formes arrondies au sommet du capuchon et à l'extrémité du piston. Les premiers 149 sont en celluloïd, comme leur ancêtre direct, mais très vite Montblanc se convertit à la résine, précieuse: noire, lustrée, comme la laque des pianos de concert, et nettement moins sujette aux déformations que le celluloïd. Montblanc conserve pour le 149 la plume fabuleuse qui a fait la gloire du 139.

Le 149, c'est l'aspect oblong d'un cigare de module torpédo, fuselé et arrondi à chacune de ses extrémités. Imposant. Trapu. Sobre. La bague du capuchon est caractéristique de Montblanc, elle porte en gravure les mots « Montblanc n°149 Meisterstuck. » La bague centrale est encadrée de deux bagues plus fines qui trouvent un écho à l'extrémité du corps, avant le bouton du piston, ainsi qu'au sommet du capuchon avec la bague qui porte l'agrafe. Cette dernière est simple, sans fioriture inutile, solide, avec juste ce qu'il faut de flexibilité. Elle assure ainsi parfaitement son rôle de contention lorsque le stylo est placé dans la poche-poitrine d'une chemise. Je suis sensible au fait que le capuchon s'intègre bien à la ligne du stylo, qu'il soit vissé ou posté au bout du corps, sa forme s'affinant vers la lèvre du capuchon, assurant ainsi une continuité de ligne agréable à l'œil.

La prise en main est idéale. S'il est imposant, le 149 demeure relativement léger. Le fort diamètre de sa section est confortable, même pour une main fluette et évite les crispations que l'on rencontre habituellement sur les sections trop fines.

La plume... le cœur du 149.

Pendant très longtemps, la plume du 149 est demeurée la plus grande de toute la production européenne; aujourd'hui encore, aucune ne la dépasse. Cette plume est parfaitement proportionnée à la taille du stylo. Contrairement à une tendance récente qui consiste à équiper de gros stylos d'une plume trop petite, Montblanc a su conserver pour son 149 cette magnifique pièce d'orfèvrerie. Au cours des presque soixante années d'existence, la plume du 149 a évolué subtilement. Aujourd'hui elle est en or jaune dix-huit carats et est ornée d'une frise finement gravée et plaquée rhodium. Le secret du succès du 149 tient vraisemblablement en grande partie à cette plume de légende.

Le 149 est équipé d'un réservoir à grande contenance, ce qui est rare s'agissant d'un stylo à piston puisque le mécanisme empiète substantiellement sur le volume disponible. La taille du stylo permet de compenser cet inconvénient inhérent à ce mode de remplissage. Cette grande capacité a fait du 149 le stylo favori des écrivains ou journalistes au cours des six dernières décennies. Le maniement du piston est aisé. Par contre, du fait de la taille de la plume, il ne sera pas possible d'aller puiser les derniers millilitres au fond de la bouteille d'encre... Mais quand on aime, on ne compte pas !

Je ne reviens pas sur la prise en main. Capuchon posté ou non, le 149 est un modèle d'équilibre. Le grand conduit assure un débit parfaitement régulier, cependant que la pointe d'iridium soudée à l'extrémité de la plume glisse avec douceur sur le papier. Chaque scripteur trouvera son bonheur puisqu'il existe de nombreuses largeurs de plumes, y compris obliques. La flexibilité des plumes du 149 a évolué au cours des années. L'actuelle, suivant la tendance du marché, est peu flexible, ce qui ne déroutera pas les utilisateurs de stylos à bille. Une fois lancé, rien ne vous arrête, votre 149 parfaitement posé dans la main pour des kilomètres d'écriture... Ainsi, le 149 est bien un Meisterstuck, un chef d'œuvre.

Le 149 confirme son statut de légende. Comme toute légende, il a un prix. Le prix de la qualité et du bonheur d'écrire au quotidien avec un vrai « vintage » aux qualités intemporelles.

Extrait de la rubrique « Sous la loupe » par Jean BUCHSER STYLOGRAPHE n° 29